En France, l’eau est souvent perçue comme une ressource abondante, mais cette croyance est de plus en plus mise à l’épreuve par le réchauffement climatique, les pollutions et les tensions croissantes entre les différents usages.
Une ressource précieuse
Sur Terre, l’eau est omniprésente… et pourtant, l’eau douce est rare :
- 0,03 % : la part de l’eau douce mobilisable pour les besoins humains parmi l’ensemble des eaux de la planète.
- 70 % : la proportion d’eau douce stockée dans les glaciers.
Contrairement aux idées reçues, la quantité d’eau sur Terre est fixe : elle ne disparaît pas, elle ne se crée pas. Seul son état change, influencé par les variations de température. Avec les crises écologiques, c’est bien sa répartition et sa disponibilité qui sont directement impactées.
L’eau, pilier invisible de notre économie
L’eau irrigue l’agriculture, l’industrie, l’énergie et nos usages domestiques. En France, la consommation d’eau douce (c’est-à-dire l’eau prélevée et non restituée au milieu naturel) se répartit ainsi :
- 4 % pour l’industrie
- 12 % pour le refroidissement des centrales électriques
- 26 % pour la production d’eau potable
- 58 % pour l’agriculture
Individuellement, un.e Français.e consomme en moyenne 150 litres d’eau par jour, dont 93% destinés à l’hygiène (douche, toilette, etc.). Mais notre empreinte eau va bien au-delà. Chaque vêtement, chaque repas, chaque produit que nous utilisons nécessite de l’eau pour être fabriqué.
À l’échelle mondiale, ces disparités sont frappantes :
- 4 900 litres/jour pour un.e Français.e (dont 47 % à l’étranger via les produits importés).
- 1 500 litres/jour pour un.e Congolais.e (dont 97 % d’origine locale).
- 8 600 litres/jour pour un.e Émirati.e (dont 76 % proviennent de l’étranger).
Nos modes de vie reposent sur cette ressource invisible mais essentielle. Et aujourd’hui, elle est sous tension.
Une ressource en tension
Le réchauffement climatique bouleverse profondément le cycle de l’eau, affectant sa disponibilité dans le temps et l’espace. Ses effets sont multiples :
- Des sécheresses plus longues et plus sévères, limitant la ressource pour tous les usages.
- Une évapotranspiration accrue, aggravant le stress hydrique des sols et des cultures.
- Des précipitations plus irrégulières, avec des épisodes de pluie intense pouvant provoquer des inondations,sans pour autant recharger les nappes.
- Une réduction du renouvellement des nappes phréatiques, notamment en raison de la diminution de la neige.
Des indicateurs confirment cette tendance :
- -14 % de l’eau renouvelable en France entre 1990 et 2018.
- 93 départements sous restriction d’eau lors de la sécheresse de 2022, due au réchauffement climatique.
- 700 communes en rupture d’eau potable cette même année.
- 75 % des nappes phréatiques en-dessous de leur niveau normal au printemps 2023.
- D’ici 2100, les glaciers alpins auront quasiment disparu.
Outre le climat, l’intensification des activités humaines fragilise aussi la ressource. L’agriculture intensive et irriguée exerce une pression grandissante sur les nappes, posant la question d’une adaptation des cultures à la disponibilité réelle de l’eau au sein des territoires.
Face à ces enjeux, l’eau devient un facteur de tensions croissantes, tant entre les différents usages qu’avec les écosystèmes naturels.
Une qualité de plus en plus préoccupante
Au-delà des quantités disponibles, la qualité de l’eau se dégrade sous l’effet des pollutions industrielles et agricoles. Entre 1980 et 2019, la France a perdu 12 500 captages d’eau potable, principalement à cause des pesticides et des nitrates. En 2022, il n’en restait plus que 33 000, rendant l’accès à l’eau potable plus précaire, notamment en période de sécheresse.
Cette pollution a un coût colossal : il faudrait 522 milliards d’euros rien que pour dépolluer les masses d’eau souterraines.
Agir ensemble pour une gouvernance équitable de l’eau
Face aux crises écologiques qui bouleversent la répartition de l’eau dans le temps et l’espace, il est essentiel de repenser collectivement son partage et nos usages. La raréfaction de la ressource met en lumière des déséquilibres de pouvoir dans la gouvernance de l’eau, et des conflits peuvent apparaitre dans les territoires, en raison de désaccord sur les usages de l’eau qui en résultent. Ces tensions ne sont pas inévitables : elles révèlent surtout l’urgence de construire des institutions capables d’arbitrer équitablement ces enjeux.
C’est pourquoi à Déclic, nous défendons une véritable démocratisation de la gestion de l’eau, à travers des assemblées participatives réunissant à la fois les usagers économiques et les habitant·e·s des bassins versants. Des comités scientifiques pluridisciplinaires éclaireraient les décisions, tandis qu’une Médiation de l’eau indépendante garantirait la transparence et l’équité des arbitrages.
Chacun·e peut aussi agir à son échelle : s’informer, adopter des pratiques plus sobres et sensibiliser son entourage. La Journée mondiale de l’eau, qui met cette année en lumière la préservation des glaciers, ces réservoirs d’eau menacés, est l’occasion de rappeler l’urgence d’une mobilisation collective. Adapter nos usages, coopérer et construire ensemble des solutions pour un nouvel équilibre, voilà le défi que nous devons relever. Et quoi de mieux pour y parvenir que de s’asseoir autour d’une table, échanger et décider ensemble de notre avenir ?
Références principales
Descollonges, C. (2023), L’eau : fake or not? Tana Editions. 118 p.
Economie EauFrance (2024), Coût minimal qu’engendrerait une dépollution des eaux souterraines. URL. [09/05/2024]
Le centre d’information sur l’eau (s, d), Eau virtuelle et empreinte eau ; qu’est-ce que c’est ? URL. [19/03/2025]
Nations Unies, (2025), Journée mondiale de l’eau 22 mars 2025. URL. [20/03/2025]