Alors qu’une nouvelle Politique Agricole Commune (PAC) est en cours de négociation, Déclic souhaite rehausser son ambition écologique. Pour cela, nous avons rédigé un cahier de propositions innovantes et concrètes pour adapter notre modèle agricole et alimentaire aux enjeux environnementaux d’aujourd’hui et de demain.
PAC et PSN, késako ?
La PAC est la politique agricole commune aux 28 États membres de l’Union Européenne. Le budget alloué à cette politique correspond à environ 35% du budget européen (45% si on englobe le Développement rural) ce qui en fait le premier budget européen à hauteur d’environ 9 milliards d’euros par an pour la France. Elle est revisitée tous les 7 ans et en cette année 2021, une nouvelle PAC est en cours de négociation.
La nouveauté de cette PAC : chaque État membre de l’UE doit présenter un Plan Stratégique National (PSN) à la Commission européenne. Il permet à chaque État d’exposer la manière dont ils proposent d’atteindre les objectifs généraux de la PAC en s’adaptant aux caractéristiques et aux besoins spécifiques de leurs propres systèmes agricoles.
Les limites des précédentes PAC ont été soulignées par de nombreux acteurs, allant des syndicats agricoles aux associations environnementales. Afin de redéfinir les contours du plus grand poste budgétaire européen, l’association Déclic présente des propositions concrètes pour un modèle agricole et alimentaire plus résilient, qualitatif, respectueux de l’environnement et de notre santé.
AXE 1 : Mettre en conformité le PSN de la PAC avec la SNBC
CONSTAT
La cohérence des politiques publiques est un enjeu majeur de son efficacité et de sa maîtrise. Or certaines stratégies nationales affichent des objectifs divergents et de nombreuses contradictions. À titre d’exemple, malgré l’investissement public dans une Stratégie Nationale de Bas Carbone (SNBC), les remboursements de carburants pétroliers pour les travaux agricoles et forestiers sont 23 fois plus importants que les sommes dédiées au crédit d’impôt bio au sein de la PAC. De même, la PAC prévoit l’indemnisation des exploitations ayant perdu leurs récoltes suite au gel du printemps 2021 sans engager d’adaptations massives au dérèglement climatique (les sommes dédiées au remboursement des calamités sont 40% plus élevées que le crédit d’impôt bio).
NOS SOLUTIONS
Pour une sécurité et souveraineté alimentaire, nous souhaitons donc une mise en cohérence entre la Stratégie Nationale de Bas Carbone et le PSN de la PAC. Pour cela, il semble fondamental d’instaurer un système d’évaluation et de suivi qui devra être effectué en toute transparence pour mesurer l’efficacité des mesures environnementales mises en place.
AXE 2 : Relever l’ambition environnementale des éco-régimes
L’éco-régime est une nouvelle mesure environnementale qui représente 25 à 30% du budget du premier pilier de la PAC. C’est une aide au revenu censée rémunérer la “mise en œuvre de pratiques et systèmes plus favorables à l’environnement et au climat”, elle a donc pour but de favoriser une transition vers l’agroécologie.
CONSTAT
Le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation envisage d’ouvrir l’accès à l’écorégime aux exploitations agricoles via la certification Haute Valeur Environnementale (HVE) et de baisser les aides pour la filière bio. Or cette certification HVE n’offre pas suffisamment de garanties environnementales pour avoir un réel impact (contrairement au bio). En effet, 70% des agriculteurs pourraient aujourd’hui bénéficier de ce statut HVE sans aucun changement ce qui met en évidence un niveau d’exigence très bas. De plus, le label favorise certaines filières qui n’ont aucune nécessité de changer leurs pratiques pour prétendre au label (exploitations viticoles et maraîchères). Les arbitrages du Ministère trahissent donc complètement l’esprit dans lequel l’éco-régime a été pensé au niveau européen et révèlent le manque d’ambition du Plan Stratégique National sur le sujet. Enfin, ce label exclusivement français pourrait mettre en péril la compétitivité des agriculteurs français au niveau européen.
NOS SOLUTIONS
Nous proposons d’abandonner purement et simplement la voie d’accès aux éco-régimes par certification HVE pour la certification biologique, qui est à la fois une certification européenne et robuste du point de vue environnemental. Une voie d’accès via la certification HVE pourra toutefois être envisagée dans une future réforme de la PAC sous réserve d’une révision en profondeur du cahier des charges de la certification : critères et indicateurs plus ambitieux pour tous les types de filières au niveau européen.
Une partie de l’enveloppe des éco-régimes doit être consacrée au développement des infrastructures agro-écologiques (IAE). Ce sont des habitats semi-naturels situés à proximité des parcelles cultivées (bosquets, arbres, haies, mares, etc…) qui sont essentiels à la biodiversité. Ils contribuent aussi au stockage de carbone, de l’azote et lutte contre l’érosion.
CONSTAT
En dépit de leurs nombreux bénéfices, le statut actuel des IAE ne poussent que peu les agriculteurs à envisager l’augmentation de leur proportion. En effet, les aides qui y sont consacrées sont en réalité de faibles compléments financiers « bonus » dans la plupart des cas.
NOS SOLUTIONS
Nous considérons qu’il est nécessaire de faire des IAE une voie d’accès aux écorégimes à part entière et de la rendre cumulable aux deux autres voies, afin que les agriculteurs y aient largement recours. Le paiement des éco-régimes consacré aux IAE ne doit pas seulement constituer un “bonus” pour les exploitations.
Nos autres propositions impliquent de :
- Consacrer 30% du budget des éco-régimes aux IAE et fixer les aides par des paliers progressifs pour inciter les agriculteurs à intégrer la démarche.
- Effectuer une refonte des coefficients de leur calcul en mettant en place un paiement en fonction de la qualité des IAE via le « Label Haie ».
AXE 3 : Faciliter l’accès des PAT aux financements de la PAC
Les PAT (Projets Alimentaires Territoriaux) ont pour objectif de créer une synergie entre les acteurs publics et privés de l’alimentation sur un territoire donné. Ils jouent ainsi un rôle déterminant pour accroître la résilience alimentaire des territoires et la re-territorialisation de l’alimentation dans le but de proposer une alimentation plus durable, locale, saine et accessible à tous. Aujourd’hui, ils sont pour la plupart encadrés de manière relativement souple et reposant sur un principe volontariste.
CONSTAT
Dans le cadre des PAT, les aides de la PAC sont allouées à un nombre trop réduit d’acteurs économiques (et de manière arbitraire en fonction des régions et des élus pour les aides non-surfaciques). Ainsi, même s’il existe de nombreuses sources de financements publics et privés, ces aides restent trop peu connectées aux démarches collectives locales favorisant le développement de ces projets et sont inadaptées aux besoins de coordination et d’animation du projet global – des fonctions pourtant indispensables à sa mise en œuvre et sa réussite. De plus, l’une des principales difficultés que rencontre les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) est d’arriver à inclure dans leurs dynamiques les “grands” opérateurs économiques de collecte, transformation et distribution qui sont souvent inclus dans des chaînes de filières longues, non ancrées sur le territoire et qui favorisent un modèle d’agriculture intensive dans le cadre d’une économie libérale mondialisée.
NOS SOLUTIONS
Face aux problématiques de financement des PAT, il paraît important que certaines aides associées au deuxième pilier de la PAC soient plus facilement et directement fléchées vers les animateurs et coordinateurs de PAT et les porteurs de projets partenaires. En ce sens, nous suggérons donc d’allouer un pourcentage de dépenses obligatoirement dédiées à l’animation de projet pour répondre à ces besoins. Pour une meilleur adéquation avec les nécessités du terrain, il nous semble aussi primordial d’inscrire dans le PSN l’obligation pour chaque région de définir des conditions et critères d’éligibilité équitables et pertinent pour l’octroi de ces aides. Afin d’encourager la coopération entre les différents acteurs d’un même territoire dans un contexte de PAT, nous proposons que les régions puissent obtenir la responsabilité de prescrire une partie (15-20%) des aides destinées à des projets structurants, d’infrastructures logistiques et de gestion. De plus, pour pouvoir aboutir à un résultat positif mesurable, il est nécessaire d’instaurer un système de suivi et de contractualisation entre les partenaires publics et privés d’un même PAT.
Pour aller plus loin…
Les porteurs de projets structurants contribuant à la reterritorialisation des filières ne sont pas uniquement issus des secteurs agricole et alimentaire, mais peuvent aussi émerger de structures de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Elles constituent des acteurs compétents pour orienter les PAT vers des évolutions innovantes et pour accroître leur inclusion dans les transitions économiques, sociales et environnementales au moyen de partenariats et/ou de coopération transversale.
CONSTAT
Les structures de l’ESS porteuses de projets de développement rural dans les secteurs de l’agriculture et l’alimentation rencontrent pourtant des difficultés à accéder aux aides de la PAC : nécessité d’un savoir technique, administratif et financier (dans le domaine agricole) afin de monter un dossier d’attribution d’aides ainsi que des critères de sélection quantitatif et non qualitatif en inadéquation avec les objectifs de ce type de structures.
NOS SOLUTIONS
Nous pensons nécessaire d’anticiper, prévoir et encadrer l’éligibilité des acteurs de l’ESS aux aides de la PAC et/ou proposer des aides spécifiques. Plus globalement, l’idée est d’accompagner ces structures dans la création de leurs projets alimentaires territoriaux, notamment en facilitant leur accès aux aides. Cela pourrait par exemple être le cas en renforçant la dimension qualitative des critères de sélection des appels à projets destinés à distribuer les subventions.
Pour plus de renseignements :
- Pour en savoir plus sur le Plan Stratégique National et la PAC.
Un article proposé par Lisa