Développer un Plan Protéines Végétales Européen
Pour lutter contre la déforestation importée et diminuer la part carnée des régimes alimentaires européens
Pourquoi ?
La crise du Covid-19 a rappelé à quel point les systèmes économiques sont connectés et reposent sur des flux de matières importants. L’Europe n’échappe pas à cette règle et dépend des importations, en particulier de soja et des protéines végétales utilisées pour l’élevage. Alors que cette crise montre la fragilité de notre approvisionnement alimentaire, il apparaît crucial de bâtir sur le long terme une souveraineté alimentaire européenne. C’est pourquoi nous soutenons la restauration de l’autonomie protéique européenne grâce à la mise en place d’un Plan Protéines Végétales Européen (PPVE) ambitieux pour la période 2020-2030.
Relocaliser et diversifier la production de protéines végétales sur le territoire européen et national participerait à protéger la santé des populations à plusieurs titres. Tout d’abord, compte tenu de la capacité naturelle des légumineuses à fixer et stocker l’azote de l’air, leur introduction dans les rotations réduirait les besoins en engrais azotés de synthèse, dont l’épandage est à l’origine d’émissions de particules fines qui contribuent au développement des affections respiratoires. Ce plan, s’il est connecté à des politiques publiques alimentaires, permettrait également de diminuer la part carnée des régimes alimentaires européens. Outre les bienfaits d’une alimentation moins riche en protéines animales issues de l’élevage industriel, un tel régime limiterait aussi les risques futurs d’épidémie. Par le changement des pratiques d’élevage qu’il induirait, il contribuerait à réduire l’antibiorésistance, ainsi que la pression sur les terres et la déforestation qu’elle engendre. En effet, pour nourrir les animaux de certains élevages (monogastriques et laitiers), la France importe 4,8 millions de tonnes de soja chaque année, issues à 80% de zones déforestées riches en biodiversité1. À l’échelle de l’UE, ce sont 15 millions de tonnes de fèves et 18 millions de tonnes de tourteaux de soja qui sont importées. Or, cette déforestation importée participe à la fois à l’érosion mondiale de la biodiversité et à l’émergence de zoonoses. La destruction des habitats liée au changement d’usage des sols amène les espèces sauvages à se rapprocher des populations humaines et de leurs animaux domestiques, augmentant les risques de contamination2.
Comment
Le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a lancé une concertation nationale sur le sujet3; nous souhaitons affirmer, dans ce cadre, que le Plan Protéines Végétales Européen doit servir de levier pour :
• La transition vers une agriculture durable : pour limiter le recours aux intrants de synthèse, le plan devrait introduire les légumineuses au coeur de nos systèmes de culture et dans les cercles de rotation sur l’ensemble du territoire européen. Parmi les leviers de ce plan, les efforts de recherche concernant les légumineuses et la sélection variétale pourraient être accentués, ainsi que la collecte statistique sur les variétés cultivées et associées aux prairies.
• La transition vers des régimes alimentaires moins carnés : si le plan doit permettre de subvenir aux besoins protéiques des animaux d’élevages, la production de protéines végétales européennes devrait aussi être destinée à l’alimentation humaine (lentilles, haricots secs, pois-chiches, etc.). Le plan pluriannuel devra se doter d’une partie alimentaire afin d’accompagner les changements de régimes. Par exemple, le PPVE pourra être mené de concert avec le Plan pluriannuel de diversification des protéines dans la restauration collective et le menu végétarien hebdomadaire dans la restauration scolaire, assurant par ailleurs des débouchés à la production locale de protéines végétales.
• La lutte contre la déforestation importée : le PPVE devrait être pensé comme un levier pour atteindre les objectifs fixés par la France et d’autres pays européens dans le cadre des Déclarations d’Amsterdam « Towards Eliminating Deforestation from Agricultural Commodity Chains with European Countries »4. Le plan devra annoncer clairement l’arrêt des importations de soja liées à la conversion d’écosystèmes naturels.
Sources
(1) Uthayakumar, T., Loustau, H., & Couturier, C. (2019). Pulse Fiction : Pour une transition agricole et alimentaire durable. WWF France. Rapport.
URL:https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2019-10/20191015_Rapport_Pour-une-transition-agricole-alimentaire-durable-min.pdf
(2) Jones, B. A., Grace, D., Kock, R., Alonso, S., Rushton, J., Said, M. Y., McKeever, D., Mutua, F., Young, J., McDermott, J., & Pfeiffer, D. U. (2013). Zoonosis emergence linked to agricultural intensification and environmental change. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 110(21), 8399–8404.
URL:https://doi.org/10.1073/pnas.1208059110
(3) Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. (Février 2020). Stratégie sur les protéines végétales : Didier Guillaume lance la concertation nationale. Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
URL:https://agriculture.gouv.fr/strategie-sur-les-proteines-vegetales-didier-guillaume-lance-la-concertation-nationale
(4) Amsterdam Declaration: ‘Towards Eliminating Deforestation from Agricultural Commodity Chains with European Countries’. (Janvier 2017).
URL:https://www.euandgvc.nl/documents/publications/2015/december/7/declarations